Intelligence Artificielle, l’avenir des ateliers collaboratifs et du brainstorming ?

Ces derniers temps, l’intelligence artificielle (IA) a beaucoup fait parler d’elle. Cela a naturellement poussé nos esprits nerd 🤓 à discuter du potentiel de l’IA en matière d’intelligence collective. Dans cet article, vous découvrirez un résumé de l’état actuel du domaine avant de nous pencher sur notre sujet principal d’intérêt : l’utilisation de l’IA pour l’intelligence collective et la résolution créative de problèmes (CPS). 

Pas le temps de tout lire ?

  • Parmi les tendances actuelles les plus notables dans l’IA, on trouve : Deep learning, Large Language Models, la Robotique, la vision par ordinateur, l’Art Génératif Art, la robotique, la vision par ordinateur ou encore l’art génératif.
  • Bien que les systèmes d’IA puissent collecter de grandes quantités de données et effectuer de nombreuses tâches en fonction de ces données, ils ne comprennent pas vraiment les concepts qu’ils traitent et peuvent ne pas être en mesure de générer des idées innovantes ou subversives sur les sujets d’ateliers.
  • Afin d’utiliser l’IA pour l’intelligence collective, il peut être utile d’explorer des fonctionnalités telles que la synthèse et la thématisation du contenu, l’analyse de réactions et le prototypage de concept.
  • Comme pour toute nouvelle technologie, il est important de comprendre les limitations et les dangers potentiels de l’IA afin de pouvoir imaginer clairement ses potentiels impacts à moyen et long-terme.
  • Selon nous, l’IA devrait être exploré dans le domaine des ateliers collaboratifs pour démultiplier l’intelligence collective et atténuer les biais de groupe.

Qu’est-ce que l’intelligence Artificielle ? 

L’intelligence artificielle (IA) est un domaine de l’informatique et de l’ingénierie qui vise à créer des programmes, ou « machines », intelligents pouvant effectuer des tâches nécessitant habituellement de l’intelligence humaine, comme l’apprentissage, la résolution de problèmes, la prise de décision et la perception. 

Quelles sont les tendances actuelles ?

Parmi les tendances actuelles en IA, on trouve :

  • L’apprentissage profond (Deep Learning) : il s’agit d’un type d’apprentissage automatique qui implique de modéliser avec un haut niveau d’abstraction des données et passe par l’usage de réseaux de « neurones » artificiels pour apprendre et prendre des décisions en fonction de larges quantités de données. On s’attend à ce qu’il joue un rôle clé dans le développement de nombreuses applications d’IA (comme certains domaines listés ci-dessous).
  • La Robotique : l’IA est utilisée pour développer des robots avancés pouvant effectuer des tâches dans différents environnements, comme les grandes industries, la santé et les services. Les outils d’IA peuvent également offrir une maintenance prédictive, ce qui nous permet de savoir à l’avance quand les machines auront besoin d’entretien ou de réparation.
  • La Vision par ordinateur (computer vision) : il s’agit de la capacité des systèmes d’IA à analyser et comprendre des données visuelles provenant du monde qui les entoure. La vision par ordinateur est utilisée dans les véhicules autonomes, la reconnaissance d’images et la réalité augmentée.
  • L’art génératif (generative art) : cela permet aux logiciels automatisés de créer des images et des œuvres d’art uniques à partir de simples prompts de texte.
  • Les Modèles de langage de grande envergure (Large Language Models) et traitement automatique des langues (Natural Language Processing) : les LLMs sont une branche de l’IA qui se concentre sur le développement de systèmes capables de comprendre, d’interpréter et de générer le langage humain. Ces machines sont utilisées dans les chatbots, les systèmes de traduction et les systèmes de reconnaissance vocale.

Mises en application

Grâce au travail sur ces différentes approches de l’IA, de nombreuses mises en œuvre ont émergé pour le grand public à travers les assistants intelligents (Alexa, Google Assistant), les véhicules autonomes, les systèmes de domotique (éclairage, chauffage, etc.), les chatbots, les systèmes de traduction de langue ou encore les systèmes de reconnaissance d’image et de visage.

Récemment, l’IA a suscité beaucoup d’attention en raison de la sortie de ChatGPT3 et de l’annonce de GPT4, tous deux des modèles de langage de grande envergure (LLM) développés par OpenAI. ChatGPT3 est un type d’IA qui peut générer du texte similaire à celui rédigé par un Humain et qui peut être utilisé pour des tâches de traitement du langage naturel telles que la traduction, la synthèse, la thématisation, la reformulation etc. ChatGPT s’utilise via un Chatbot: vous tapez une question ou une tâche dans un champ, et il répond en effectuant les tâches demandées. 

Quel rapport avec l’intelligence collective et les ateliers collaboratifs ?

Nous ne sommes pas experts en IA mais nous voulions fournir un court aperçu de l’état actuel du domaine avant de discuter de notre sujet principal d’intérêt : l’usage de l’IA dans le cadre d’ateliers collaboratifs. Mais pourquoi vous parler de ce nouveau développement ?

Cette émergence de l’IA nous rappelle l’introduction de la technologie dans l’animation des ateliers il y a environ 10 ans. Lorsque Stormz est apparu en 2012, et même si cela ne représentait pas un bon technologique aussi grand, certains facilitateurs étaient curieux tandis que d’autres redoutaient que la technologie « prenne leur travail » ou distraie les participants et diminue la qualité des discussions pendant les ateliers. Au fil du temps, de plus en plus de confrères facilitateurs se sont renseignés, ont perçu les avantages de l’usage de la technologie et certains ont finalement commencé à l’adopter (d’autres non et on comprend parfaitement). Dans le cas de l’émergence de l’IA comme de toute autre technologie, il nous revient à nous tous en tant que praticiens de faire passer les connaissances sur ces nouvelles technologies pout déterminer ce qui pourrait améliorer ou entraver les dynamiques de nos ateliers et quels outils sont utiles ou non.

Réponse du bot Midjourney suite à la question « une ville futuriste idéale avec beaucoup d’arbres et d’herbe » en anglais

Par conséquent, la question que nous voulons poser est: Comment pourrions-nous utiliser l’IA afin d’améliorer l’intelligence collective dans le cadre d’ateliers collaboratifs ? Son adoption serait-elle pertinente ?

Pourquoi l’IA ne trouvera pas (encore) de solutions créatives à vos problèmes

Commençons par quelques réflexions qui vont vous rassurer sur la pérennité des ateliers collaboratifs et l’utilité de l’intelligence humaine :

L’IA ne comprend pas les notions derrière les mots

Nous devons souligner que l’IA ne comprend pas vraiment les concepts qu’elle rassemble. Comme l’explique Louis Rosenberg : « J’ai entré une commande de texte demandant une oeuvre d’art montrant un robot tenant un pinceau, mais le logiciel n’a aucune compréhension de ce qu’est un ‘robot’ ou un ‘pinceau’. Il a créé l’oeuvre d’art en utilisant un processus statistique qui corrèle l’image avec les mots et les phrases de la commande ». Si vous avez un peu de temps, voici une vidéo qui détaille le fonctionnement de ChatGPT et explique par la même occasion pourquoi les réponses du BOT ne sont pas sensées être bonnes/vraies mais simplement enchainer les mots les plus statistiquement probables.

Si vous avez un peu de temps, voici une vidéo qui détaille le fonctionnement de ChatGPT et qui explique par la même occasion pourquoi les réponses du BOT ne sont pas sensées être bonnes/vraies mais simplement enchainer les mots les plus statistiquement probables :

L’IA ne peut donc pas innover

Il est important de noter que l’IA n’est pas une entité unique et n’a pas de volonté collective ni de conscience propre. Les systèmes d’IA sont conçus et développés par des humains et effectuent des tâches et prennent des décisions en fonction des algorithmes et des données qui leur ont été injectés.

« Il est important de garder en tête que les systèmes d’IA génératifs ne sont pas créatifs. En fait, ils ne sont même pas intelligents.”
Louis Rosenberg

Dans une interview sur France Inter, Luc Julia, ingénieur en informatique, Directeur scientifique du groupe Renault et cocréateur de l’assistant vocal Siri, a convenu qu’il y a bien une accélération de ce qu’il appelle l’IA « générative », mais il a également souligné que ces machines ne créent pas ou n’innovent pas – elles copient et réarrangent du contenu déjà existant (il utilise le terme « remâcher »).

Les artistes peuvent peindre dans le style d’un autre artiste, mais lorsque les génies artistiques innovent, ils apportent quelque chose de nouveau et inédit. Les machines IA ne peuvent pas innover de cette manière car elles doivent être alimentées par du matériel déjà existant. L’innovation peut certes survenir dans la manière dont les humains utilisent les prompts (les textes de commandes), mais il est important de noter que l’intelligence IA a été formée avec des données existantes parfois obsolètes (par exemple, GPT3 utilise des informations de 2019).Selon Rosenberg, lorsqu’une chose est créée par l’IA, l’humanité en est le créateur: « Mon point de vue est que nous avons tous créé cette oeuvre d’art – l’humanité elle-même. Oui, le collectif que nous appelons l’humanité est l’artiste ».

« Le collectif que nous appelons l’humanité est l’artiste. »
Louis Rosenberg

D’ailleurs, si vous demandez à l’IA de fournir des idées sur un thème assez « universel », comme comment retenir les talents au sein de votre équipe, elle peut rassembler une liste d’idées. Et comme vous pouvez le constater, ce sont des idées sensées… mais banales !

Réponse fournie par Chat GPT à une requête pour des idées sur « comment retenir les talents au sein de mon équipe »

Selon sa théorie dans « Think Better » (2007), Tim Hurson pourrait qualifier ces idées comme des idées du « premier tiers » car elles sont « banales, tout le monde y a déjà pensé avant. Ce sont les premières pensées qui se trouvent très près de la surface de notre conscience. Elles ont tendance à ne pas être du tout de nouvelles idées, mais plutôt des réminiscences d’anciennes idées que nous avons entendues ailleurs. Ce sont essentiellement des pensées reproductives. »

Si vous voulez aller plus loin et demander à l’IA de creuser ces idées pour les rendre plus innovantes, vous pouvez obtenir des idées du « second tiers » :

Réponse fournie par Chat GPT à une requête pour des idées sur « comment retenir les talents au sein de mon équipe »

Ce sont des idées « qui commencent à étirer les limites… plus que de simples régurgitations de ce que nous avons déjà entendu ou pensé avant » (Tim Hurson, 2007). Comme vous pouvez le voir, l’IA peut être d’une grande aide pour la divergence, mais ce ne sont pas des idées créatives ou inédites (idées du « troisième tiers ») car cela nécessiterait une entrée supplémentaire que l’IA n’a pas – l’imagination.

Conclusion: Les IA comme les LLMs n’essayent pas de répondre aux questions posées mais de prédire la suite de mots la plus probable pour répondre à la requête. La machine ne connaît pas les métiers ni les compétences liés au challenge/ à la question et ne comprend pas la situation et les enjeux de l’entreprise. De sorte que lorsque l’on demande des idées à ce type d’IA, les idées générées feront sens mais il est possible qu’elles ne soient pas pertinentes, en particulier si le défi nécessite beaucoup de données d’entrée, s’il exige des connaissances techniques spécifiques pour être résolu ou s’il est ancré dans un contexte très spécifique. Et dans tous les cas, ce ne seront pas des idées inédites.

Idées et pistes d’exploration pour utiliser l’IA dans les ateliers collaboratifs

Mais remettons en perspective les limites évoquées ci-dessus en étant honnêtes : l’innovation radicale n’est, de toute façon, PAS l’objectif de nombreuses séances de brainstorming. Parfois les discussions, les points de vue partagés et l’énergie commune construite pendant les ateliers sont tous aussi importants que de trouver des idées. 

Si l’on fait le deuil d’une machine IA qui pourrait nous aider en générant des idées innovantes que vous pouvez (parfois) obtenir lors d’un brainstorming créatif, alors comment pouvons-nous rendre cette technologie utile ? Si nous nous concentrons sur l’art génératif, voici quelques usages potentiels à considérer :

  • Prototypage : si les participants écrivent des commandes décrivant leur nouvelle idée de produit, de service, etc., une IA pourrait fournir un premier jet.
  • Contenu inspirant : créer une liste d’images ou de mots pour des connections forcées
Image générée via MidJourney répondant à la commande “une nano capsule en train de délivrer une substance active directement dans le sang » 

Mais comme la plupart des ateliers collaboratifs dépendent principalement de contenu écrit, les LLMs pourraient aussi être utiles pour :

  • Résumer : en utilisant des processus statistiques, ces machines pourraient être utiles pour résumer une grande quantité de données créées par les participants. Cela pourrait être moins biaisé qu’un consultant parcourant rapidement un grand nombre de post-its.
  • Thématiser : en utilisant des statistiques, l’IA pourrait trier et regrouper les idées similaires en thèmes principaux ou catégories.
  • Analyser les réactions : en se basant sur les mots utilisés dans le contenu produit, l’IA pourrait déterminer la proportion de participants favorables ou opposés à une idée.
  • Concevoir des sessions : créer un brouillon d’agenda pour votre session avec un défi donné comme point de départ.
  • Challenge storming : suggérer des formulations alternatives à un défi donné.
  • Corriger : améliorer la formulation des idées rapidement écrites par les participants.
  • Fournir une liste d’idées : générer des graines d’idées comme base pour lancer la conversation des participants.
  • Etc.

Comme pour l’apparition de toute nouvelle technologie, il est important de comprendre ses limites et ses éventuels dangers pour anticiper ses potentiels impacts. Notre réflexion actuelle est que, comme tout autre outil, l’IA peut être utilisée de manière néfaste ou positive – l’avenir nous le dira. Dans un premier temps, pourquoi ne pas continuer à nous renseigner collectivement sur cette technologie et commencer à envisager son usage pour des emplois bien délimités comme améliorer la qualité des productions d’ateliers et atténuer les biais de groupe ? Et vous, pensez-vous que nous devrions compter sur l’IA pour les ateliers collaboratifs ?

Sources

Rosenberg L. (2022) ‘I used generative AI to create pictures of painting robots, but I’m not the artist — humanity is’, bigthink.com
https://bigthink.com/high-culture/generative-ai-pictures-humanity-artist/

Marr B. (2022) ‘The 7 Biggest Artificial Intelligence (AI) Trends In 2022’, Forbes.com
https://www.forbes.com/sites/bernardmarr/2021/09/24/the-7-biggest-artificial-intelligence-ai-trends-in-2022/

Interview de Luc Julia. (2022) ‘Le 7/9.30 du jeudi 29 décembre 2022’, FranceInter
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-7-9-30/le-7-9-30-du-jeudi-29-decembre-2022-2994151

Brennan C. (2020) ‘The internet is not ready for the flood of AI-generated text’, mondaynote.com
https://mondaynote.com/the-internet-is-not-ready-for-the-flood-of-ai-generated-text-a082976c6186

Arnold K. (2022) ‘The third third of brainstorming’, extraordinaryteam.com
https://extraordinaryteam.com/the-third-third-of-brainstorming/

Quotes from Think better by Tim Hurson
Hurson, T. (2008) ‘Think Better,’ New York: McGraw-Hill.

Amer, M. (2022) ‘Large Language Models and Where to Use Them: Part 1’, txt.cohere.ai
https://txt.cohere.ai/llm-use-cases/


ℹ️ Veuillez noter que la plupart de ces livres n’ont pas été traduits en Français, nous avons donc laissé les titres dans leur langue d’origine.